Chacune sa place!

L’entrepreneuriat féminin en Alberta

Est-ce que le prix des places en garderies justifie que seulement 66 % des Albertaines ayant un enfant de moins de 6 ans font partie de la population active, le taux le plus bas au pays? En comparaison, au Québec, c’est près de 84 % de ces femmes qui travaillent.

Chose certaine, selon la présidente de la Coalition des femmes de l’Alberta, Leticia Nadler, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer que les femmes albertaines soient moins présentes sur le marché du travail, notamment le fait que la province soit plutôt riche. « Quand le salaire du conjoint à lui seul permet de supporter une famille, peut-être que les femmes ressentent moins le besoin de travailler », suggère la présidente.

Déboulonner les mythes
La présidente de la Coalition des femmes de l’Alberta n’hésite pas à décrier les mythes reliés au succès en affaires. Par exemple, selon ses dires, plusieurs pensent que pour se lancer en affaires et réussir, il faut avoir de l’éducation, avoir été à l’université, etc., ce qui n’est pas nécessairement vrai. Elle ajoute que les femmes ont aussi parfois du mal à s’imaginer femmes d’affaires lorsqu’elles ne voient pas en elles les caractéristiques que l’on associe au succès, et qui sont souvent vue comme des qualités «masculines». Pour Leticia Nadler, les femmes peuvent réussir en affaire avec leurs propres qualités.

Et les Franco-Albertaines?
Amélie Caron, d’EcoSynergie, travaille depuis plusieurs années dans un domaine dit « d’hommes », soit la science du bâtiment. À son avis, une fois la crédibilité d’une personne établie, les questions de genre disparaissent. « Il faut seulement travailler un peu plus fort au début pour bâtir sa réputation », nuance-t-elle. Mais les choses changent, et Amélie Caron note une réelle évolution. « Il y a 20 ans, on assemblait des bâtiments, c’était très physique. Maintenant, on voit le bâtiment en tant que système, donc il y a beaucoup d’analyses cérébrales à faire, du muscle de cerveau, et c’est là que les femmes brillent, en durabilité », se félicite-t-elle.

Tout n’est pas rose pour autant, et c’est souvent la première impression qui compte. « Je suis souvent la plus jeune. Quand j’arrive à une conférence, avec mes cheveux osés et mes vêtements colorés, ça brasse la cage », dit-elle en riant. Loin de s’en formaliser, Amélie Caron joue la carte de la provocation à son avantage. « Ce n’est pas long que le respect est établi et que je peux jouer mon rôle. » La jeune femme siège d’ailleurs sur le CA du Conseil de développement économique de l’Alberta (CDÉA) depuis quelques années.

« Vous n’y arriverez pas »
De son côté, il y a une dizaine d’années, en plein boom pétrolier, Julie Picard, de Creative CocoNut’s délaisse un emploi lucratif pour fonder son entreprise de design graphique avec une partenaire. « Au départ, des hommes autant que des femmes nous ont avertis que nous n’y arriverons pas, car nous étions des femmes », se souvient-elle. Comme l’entrepreneure le fait savoir, les gens ne comprenaient pas pourquoi elle quittait un monde si bien payé et sécuritaire pour démarrer son entreprise, qui plus est, avec une autre femme. « Mais nous y sommes arrivées, et ça fait 10 ans qu’on est en affaires. Nous sommes présentes dans plusieurs provinces et même aux États-Unis. Nous ne sommes pas limitées par les frontières ni les secteurs », dit celle qui admet avoir été élevée par une femme féministe. « Nous nous sommes entourées de mentors, hommes et femmes, et nous avons cru en nous. » Aujourd’hui, les deux partenaires d’affaires redonnent à la communauté par le mentorat.

C’est ce genre d’attitude qui égaye Deron Bilous, ministre du Développement économique de l’Alberta. Il dit reconnaître que le gouvernement doit en faire plus pour mieux épauler les femmes entrepreneures et surtout les encourager à se lancer. « On essaie de faire tomber les barrières, car elles existent bel et bien, et partout, pas seulement en Alberta », note-t-il. Son gouvernement finance des projets de réseautage et des initiatives pour faciliter le passage des femmes vers l’entrepreneuriat. Et comme il le laisse entendre, « les femmes n’ont pas besoin des hommes pour réussir. Ceux qui pensent le contraire sont absurdes et insensés. C’est complètement faux. » Pour étayer ses propos, le ministre cite une étude démontrant qu’en 2014, 38 % des petites et moyennes entreprises de l’Alberta étaient gérées ou détenues par des femmes. « Nous mettons également en place un bon nombre d’initiatives pour faire augmenter ce pourcentage. Les femmes entrepreneures savent saisir les opportunités, et nous les aidons par du soutien, des incubateurs, etc. Elles contribuent à la croissance de l’Alberta! »